samedi 31 octobre 2009

Zone piétonne

Je profite d'un excellent billet de Catoneo pour vanter la justesse et, souvent, l'intuition que véhicule un verbe agile et volontiers ironique sur Royal-Artillerie, et me permets, après cet hommage mérité, de publier ici son texte et la réponse que je lui fis.

Catoneo a publié ceci le 29, avec pour titre Légitimisons ! :

« La querelle des princes au sein de l'infanterie royaliste ne diminue jamais d'intensité. En tous échanges elle surgit. Que le prince fasse, et plus encore qu'il s'en abstienne, et la roue reprend des tours. La chronique n'est pas épargnée. "Légitimiste" me lance-t-on ici. "Oecuméniste" ailleurs. "Orléaniste" plus loin. La totale étant "agnostique maurrassien", sulfureux en diable. Malgré une propension naturelle à la contemplation, que je combats, je suis adepte du mouvement plus que du vitrail. Le mouvement c'est l'action, le vitrail c'est le soleil dehors ; ça le fait tout seul. Militant providentialiste est un paradoxe. D'où l'ennui de la Charte de Fontevrault par exemple. A tout faire autant être survivantiste, c'est plus excitant, un peu Da Vinci Code et terriblement mérovingien.

Légitimisant, je m'intéresse au prince Louis et j'en ai du mérite. Il serait venu aux Invalides ce 20 septembre pour la messe annuelle de fondation, sans tambour ni trompette pour des raisons de sécurité sans doute. Si j'osais une question, je l'adresserais à son secrétariat : Quel est le fondement de la démarche consistant à faire venir l'aîné des Capétiens aux Invalides en toute discrétion pour y rencontrer le gouverneur militaire de Paris, deux généraux, l'évêque-aumonier des armées, le président du Sénat et quelques convaincus ? J'exagère un peu, on y a vu Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme en famille et même Jacques d'Orléans. Il y avait "messe" sur l'agenda, pas "écrouelles". Au fait, a-t-il visité l'Institution ?
Si les autorités qui savent vivre ont salué le "fils de saint Louis", elles ne sont pas venues expressément pour lui, mais par devoir d'Etat.

Qu'on ne se méprenne pas. Le retour du roi - je sais que pour nombre de légitimistes ce n'est pas le but - ne se fera pas par la haute fonction civile, encore moins militaire. Si par temps de troubles, des "velléités de changement" étaient détectées chez le personnel de pouvoir, la gendarmerie y mettrait bon ordre en embarquant au saut du lit ce joli monde convaincu de conspiration. En revanche, ce que l'on pourrait attendre à ce niveau de l'Etat est la neutralité, et à mesure de la progression, une empathie. Le roi ne reviendra, à l'issue d'un long travail de vulgarisation de l'institution monarchique dans l'Opinion, que sur la jolie définition de La Tour du Pin : le droit du prince naît du besoin du peuple. Il faut donc créer ce besoin. Les Invalides sont un sympathique coup d'épée dans l'eau.

Comme le roi de France n'existe réellement qu'oint, le prince en situation de le devenir n'existe comme tel que s'il "fait le prince". Prince politique. Et avouons-le, nous en sommes loin du côté de Bourbon. Il est plus souvent acclamé comme l'aîné des Capétiens que comme alternative institutionnelle. D'ailleurs de ce côté-là c'est le grand flou. L'UMB ne moufte pas. Le Politique d'abord de Charles Maurras terrorise. On ne saute pas du bénitier comme ça. Dieu sait, qui inspirera son lieutenant... et puis, vous m'ennuyez avec vos questions, vous ne comprenez rien au légitimisme.

Je suis abonné à la Gazette électronique de l'UCLF et ne fut avisé qu'après coup de la journée du 20 septembre, ou bien je n'ai pas piqué la news (c'est possible). Aurais-je tendu le micro sinon ? Plus sûrement j'aurais glissé un billet à l'insu du team, dans lequel j'aurais exercé sans vergogne mon droit de remontrance, absent des lois fondamentales mais inscrit ultérieurement à la panoplie du citoyen contribuable :
En l'absence de recommandations suivies du noyau fondamentaliste français pour une approche politique de la fonction offerte à vos espérances, il serait avisé que vous caliez un axe de propagande (changer le vilain mot) maintenu par un vrai secrétariat politique, convenablement staffé de professionnels actifs, qui communiquerait aléatoirement sur les questions institutionnelles - la réforme territoriale en cours est importante, la dette keynésienne aussi - et qui préparerait deux interventions annuelles du prince sur des sujets majeurs - complot du réchauffement planétaire, antagonismes civilisationnels, ...-, en prenant soin d'éviter les questions sociétales sensibles qui ne promeuvent que la dispute et pas le prince. Il serait productif d'organiser un "point d'orgue annuel" en dehors des commémorations usuelles et usées, quelque "roche de Solutré" en Bourbonnais*, qui exploiterait le charisme naturel et la bonne forme physique du titulaire, à l'intention de promouvoir l'affect populaire en dehors des églises. Fin.
*c'est une image !

Mettre la chose en musique convoque moult talents, mais il reste indispensable de parfaire l'expertise politique du prince, mécanicien bancaire ne suffira pas. La question à vingt bolivars qui est restée dans le micro, la voici :

« Monseigneur, de tout cela, en avez-vous envie ? » »



Couronne des funérailles de Louis XVIII


J'ai répondu cela :

« En tout premier lieu, merci ! Vous avez raison. Toute la véhémence dont sont capables les hussards blancs autoproclamés est déployée dans la querelle irréductible qui oppose les tenants d'une conception ou d'une autre, et dont aucune n'est immaculée. Soit . Je bats ma coulpe humblement, n'étant jamais le dernier à croiser le fer de la légitimité avec celui d’un incertain pragmatisme. C'est comme de finir une boîte d'After Eight entamée, je ne peux hélas pas m'en empêcher.

Mais comment réconcilier ceux qui soutiennent la royauté par fidélité au roi et ceux qui soutienne un prince, quel qu’il soit, par désir de la royauté ? La ligne de front est d’autant moins nette dans ce petit monde, ou dans ce monde petit, que l’on s’oppose encore sur l’identité du roi, pour les premiers, du prince pour les seconds ! A ces divisions croisées, viennent s’ajouter les caprices individuels, j’entends par là des marottes sans rapport avec la royauté et sa restauration éventuelle, tels que religiosité entreprenante, national-corporatisme sépiatique à l’envie et autres preuves de virilité qu’il serait fastidieux de décrire ici, mais que l’on entend parfois nous faire avaler avec le bébé, si je puis me permettre.

Puisque nous légitimisons, voyons pourquoi ce drôle de club, qui paraît tantôt frappé d’un mysticisme royal délirant, tantôt d’un stoïcisme dégagé à faire pâlir le loup de Vigny, soupçonné d’internationalisme princier et de haine pour telle branche maudite par tant de péchés plus originels les uns que les autres, semble hermétique à la grande mouvance royaliste telle que conçue et théorisée ailleurs que chez lui. Il est vrai que joue assurément la simple peur d’être associé par le combat qu’on mène (ou qu’on aimerait mener) à une idéologie déjà plus très en vigueur au siècle passé et carrément surannée aujourd’hui, dont on a de plus vu les tenants tomber dans tous les chausse-trappes de l’histoire contemporaine. On peut aisément le comprendre. Reste l’argument de l’union qui fait la force. Mais la force de qui ? Comment blâmer ceux qui ont un prince intangible de répugner à lutter aux côté de ceux qui ne sont pas très sûrs d’en avoir un mais dont le noyau dur est constitué de fidèles à une autre maison et ne se prive pas de le faire connaître ? Si l’on ajoute à cela le fait de n’être pas si convaincu d’appeler de ses v?ux le même ordre social, ou sociétal, pour autant qu’on ait une idée à ce propos… Ils ne manquait plus que s’ajoute à tous ces sujets de méditation celui que constitue le spectacle actuel de subdivisions en factions tutti frutti des mouvements se maintenant déjà avec peine auparavant, le tout avec des relents de haine et de ranc?urs, peux attractifs vu de l’étranger si j’ose dire.

On comprend peut-être mieux pourquoi le légitimisme, pétrifié par la vision de ce qui se passe chez le voisin, avance à une allure de gastéropode hémiplégique en matière de combat politique et de théorisation de la chose publique. Il faut néanmoins rendre à César ce qui est à César et lui concéder que Le Mémorial de France à Saint-Denys conjointement avec l’Institut de la Maison de Bourbon n’ont pas seulement, par leur travail patient et semé d’embûches, ?uvré au bénéfice du syndicat des fleuristes et marbriers, mais bien réancré la vieille monarchie française, non pas dans le paysage républicain, mais sur son sol, dans ses symboles sacrés, au vu et au su de tous. C’est énorme et je m’offusque que l’on sous-estime, voire que l’on méprise cela. Qui l’aurait fait à sa place ? Chacun a sans doute déjà sa réponse.


Louis XX à Saint-Denis

Quant au roi, Louis XX pour les malvoyants, il est tout ce que peut rêver un royaliste aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’engage pas dans un combat politique qui lui ferait prendre position face à une partie des français et qui du même coup invaliderait l’argument principal de la royauté, outre la légitimité de laquelle bien peu font cas, qui réside dans le fait que le roi est au dessus des partis et qu’il représente tous les Français. Il est discret et ne s’attarde pas dans une vaine poursuite du vent des titres, prédicats, ordres et autres armoiries. Comme l’a dit son père avant lui, il « est » . Traduction dans la réalité : tout vient à lui de cette sorte sans qu’il ait jamais à lutter et à s’étaler pour cela dans une presse de caniveau ! Puisse le roi rester en paix pendant que nous servons.

Nous servons ? C’est là mon cher piéton qu’à mon sens, tout comme au vôtre il me semble, le bât blesse. Mais hélas il est l’heure de retourner à mes topiaires. »

Nous avons convenu ensuite qu'on ne demandait pas au duc d'Anjou de faire de la politique intérieure mais quil ne serait pas inintéressant qu'ils s'exprime sur de grands sujets planétaires, ce qui me paraît acceptable.

À plus d'un titre



Tout comme les princes, l'argent possède un titre. Celui-ci indique la proportion de métal précieux dans l'alliage nécessaire et était jusqu'à récemment garanti par un poinçon spécifique. Mais les meilleurs usages se perdent de nos jours en matière d'authenticité et ce qui vaut pour l'orfèvrerie vaut également hélas pour nos princes. Si je parle d'argent, et de princes, c'est que j'ai eu le plaisir de retrouver au fond du tiroir d'un guéridon un objet qui fut dans mes jeunes années un genre de talisman, matérialisant la profonde et subtile intuition qui se dessinait en moi depuis l'enfance et qui se résume très bien en un mot, la légitimité. Ce fétiche d'adolescent en quête de références culturelles et philosophiques originales au sens littéral n'est autre qu'une pièce de cinq pesetas en argent de 1898, représentant à son avers le jeune roi constitutionnel Alphonse XIII de profil et à son revers, les armes de celui-ci. Par quel mystérieux caprice mon inspiration intellectuelle allait-elle m'attacher sentimentalement à cette monnaie étrangère et abîmée, qui ne miroite même pas de l'éclat ensorcelant de l'or ?

Au-delà de la simple grâce que le graveur a su conférer au visage du jeune garçon et qui le rend si émouvant, cette pièce recèle un trésor symbolique caché qui renvoie à une page essentielle de notre histoire, de celles dépourvues d'images bariolées que le commun passe sans les voir. Mais remontons de quelques années. Le 24 août 1883, le comte de Chambord, Henri de France, dernier des descendants du roi Charles X et héritier de la Couronne, s'éteint en exil à Frohsdorf , Autriche, sans postérité. C'était après une tentative manquée du Maréchal de Mac-Mahon, alors président de la République et fort d'une assemblée en majorité royaliste, pour restaurer la monarchie. L'Histoire de France, si féconde en situations désespérées où, dans une nation divisée, elle met en grand péril le camp légitime pour mieux le faire triompher ensuite, va susciter une question qui n'aurait jamais dû être posée, mais qui le fut. Qui succède à Henri V dans ses droits à la Couronne ?


Henri de France, comte de Chambord

Si cette question n'aurait pas dû être posée, c'est qu'en France, le roi est saisi automatiquement par la mort du précédent roi par le truchement des lois fondamentales du royaume réputées intangibles. Le successible est donc désigné par le droit royal historique qui, en cas de disparition sans postérité, appelle le collatéral le plus proche par ordre de primogéniture mâle, à l'infini ! De plus la Couronne est réputée indisponible, ce qui signifie que nulle volonté humaine, fut-ce celle du roi lui-même, ne peut modifier cet ordre, autrement dit légitimer ses bâtards royaux, abdiquer ou renoncer à ses droits pour lui et a fortiori pour ses descendants. Ces lois impliquent également que ce doit être un prince français, ce qui signifie qu'il doit appartenir à la Maison de France, celle-là même que l'on désigne par le nom de Capétiens. Ainsi Henri III avait transmis la couronne à son cousin Henri de Navarre. Et c'est là qu'on se dit que tout va pour le mieux. Qui est-ce ?

C'était sans tenir compte des poisons insidieux distillés dans la société française au fur et à mesure que les régimes et les révolutions se succédaient, apportant leur lots de confusion et de contradictions, leur bataillons de défenseurs échevelés de tel ou tel nouvelle idéologie, leur jeux de neuves et changeante fidélités. Que valent des droits face aux faits ? Ce sont pourtant ces mêmes faits qui vont engendrer une mouvance se réclamant elle-même du droit. En effet, par l'usurpation d'un trône fort enbourgeoisé de Louis-Philippe d'Orléans, roi des Français, rejeton du citoyen doublement parricide Égalité, les successeurs de ce celui-la ne démordrons plus de leur tout nouvellement acquis droit à la Couronne. Deux traditions ? Même pas...


Philippe de France, roi d'Espagne

Mais revenons à la mort du comte de Chambord et à nos lois de dévolution de la Couronne. Elles sont alors sans appel et désignent l'aîné des descendant de Philippe de France, duc d'Anjou, que Louis XIV, son grand-père avait eu grand peine à placé sur le trône ultra-pyrénéen du Habsbourg Philippe IV dont il héritait par sa grand-mère, la reine Marie-Thérèse d'Autriche. Ce prince est Jean de Bourbon, comte de Montizón, prétendant carliste en Espagne et désormais Jean III de France de jure. En effet, les Orléans, bien que cousins du roi, ne sont qu'une branche cadette issue du frère du roi Louis XIV, Monsieur. Mais le contexte brouillé en France par la tourmente révolutionnaire depuis un siècle les place au premier plan et ils héritent, sinon des droits, du moins de la place qui reste à occuper. De fait – peu peuvent avoir raison et beaucoup se tromper – une majorité des légitimistes français fusionnent avec les orléanistes pour soutenir le duc d'Orléans, jadis titré « comte de Paris » par l'usurpateur. Inutile, je pense, à ce stade de préciser où, dans cette affaire, je place la légitimité.

Lorsque Philippe de France devint roi des Espagnes, il fit mettre dans ses armoiries un écusson sur le tout aux armes d'Anjou, son titre français. Ces armes sont de France à la bordure de gueules. Le destin laisse de petits cailloux blancs. On retrouve, à quelques détails de blasonnement près, ces armoiries au revers de ma pièce de monnaie. Cependant, un examen attentif permet de voir que l'un de ces détails est parlant. l'écusson d'Anjou a tout simplement perdu sa bordure de gueules, ce qui signifie que c'est désormais un écusson d'azur à trois fleurs de lys d'or, soit un écusson de France ! En 1898, la nouvelle branche aînée ne badine pas avec les symboles. Cette acte discret pour le néophyte, est lourd de conséquences pour la suite, nous auront l'occasion d'y revenir. Pour l'heure je vais m'employer à décrasser mon trophée retrouvé afin que quelqu'éclat arraché au vieux métal vienne se perdre dans mes yeux confiants et rassérénés.